Selon les estimations gouvernementales, mais également sur la base d’analyses de données de multiples acteurs du marché, les passoires énergétiques représenteraient toujours 16,8 % de l’ensemble des biens du parc résidentiel. Ces logements, catégorisés comme tels du fait de leur étiquette DPE F ou G – jugée médiocre – constituent de vrais gouffres énergétiques et autant de freins à la réduction des émissions de GES dans le résidentiel. Où en est la France dans la lutte contre ces passoires et pour la transition énergétique ?
Transition énergétique dans l’habitat : un panorama français plutôt changeant
Rappelons que 60 % de l’ensemble des émissions françaises sont dues au bâtiment. En 2020, 15 % des émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie sont également le fruit du résidentiel. Ce pourcentage est supérieur à celui constaté dans l’Union européenne – 13 % – et bien supérieur au pourcentage mondial, de 6 %.
Ces problématiques, inhérentes à notre société, sont fort heureusement prises à bras le corps par le gouvernement, appuyé des collectivités. Il s’agit notamment de pallier les obstacles que rencontrent les Français en matière de rénovation énergétique ambitieuse (dite globale). C’est ainsi qu’en quelques années seulement, le panorama français lié à la sphère de l’efficacité énergétique aura été maintes fois bousculé :
- Suppression du crédit d’impôt pour la transition énergétique
- Emergence de MaPrimeRénov’, dispositif phare du gouvernement
- Lancement d’offres de financement CEE et MaPrimeRénov’ dédiées à la rénovation globale, une première en France
- Sortie d’un nouveau prêt avance rénovation, destiné à financer le reste à charge des ménages
- Emergence du service public de la rénovation énergétique France Rénov’ et de ses guichets territoriaux, les dignes successeurs des espaces info énergie, notamment.
- Et bien d’autres.
Derrière ces mesures, l’objectif comme le discours tenu sont clairs : rénover est une priorité, une problématique urgente que chacun doit être en mesure de s’approprier. Via ses différentes offres, le gouvernement entend inciter aux rénovations énergétiques globales en fournissant les clés administratives, financières et d’accompagnement nécessaires aux particuliers pour se lancer.
Si l’on se fie aux chiffres du bilan de la quatrième période des CEE (2018-2021), on constate que le dispositif des CEE représente environ 6 Md€ par an d’aides pour les actions d’économies d’énergie, dont 2 consacrés au financement des travaux des ménages les plus modestes (plafonds de ressources de l’Anah).
C’est colossal. Mais est-ce suffisant ?
Passoires énergétiques en France : un état des lieux mitigé selon les régions
Afin d’y voir plus clair, nous avons synthétisé la part de passoires énergétiques de chaque région française. Nous nous sommes pour cela basés sur les données territoriales remontées par la plateforme Heero.
Région | Part de passoires | Part de logements économes |
Bretagne | 9 % | 21 % |
Pays de la Loire | 8 % | 22 % |
Nouvelle-Aquitaine | 7 % | 23 % |
Occitanie | 7 % | 24 % |
Provence-Alpes-Côte-d’Azur | 6 % | 18 % |
Auvergne-Rhône-Alpes | 13 % | 19 % |
Centre-Val de Loire | 15 % | 15 % |
Bourgogne-Franche-Comté | 16 % | 14 % |
Grand Est | 14 % | 17 % |
Normandie | 14 % | 17 % |
Hauts-de-France | 13 % | 15 % |
Ile-de-France | 13 % | 24 % |
Corse | 8 % | 17 % |
On le remarque sans peine : les régions les plus sujettes aux climats froids, situés en zone climatique H1 sont les plus à risque en termes de passoires énergétiques. Retenons en priorité la région Bourgogne-Franche-Comté, avec 16 %, mais également le Centre-Val de Loire (15 %).
L’Ile-de-France, également, compte parmi les régions disposant du plus de passoires, mais a l’avantage de pouvoir contrebalancer cette tendance par un taux bien supérieur de logements économes : 24 %, soit le pourcentage le plus élevé de France métropolitaine. Nulle surprise ici, dans une région portée par une démographie telle que les nouvelles constructions sont légion.
La part de passoires énergétiques constitue un très bon indicateur des localisations à cibler en priorité par les collectivités. Mais un constat pareil implique finalement bien plus de complexité, car ce volume est également à mettre en corrélation avec :
- Le niveau de vie des habitants : les citoyens ont-ils plus ou moins les moyens financiers d’engager des rénovations ambitieuses ?
- La couverture en espaces de conseil France Rénov. Le maillage de guichets territoriaux est actuellement en cours de déploiement, mais force est de constater que certaines localités semblent encore aujourd’hui délaissées.
- L’accessibilité à des professionnels qualifiés en rénovation énergétique, et certifiés RGE. Notons que cette labellisation est indispensable pour prétendre aux aides financières de l’Etat, et que ces professionnels représentent au maximum 7,59 % des professionnels du bâtiment dans chaque région. Certaines, moins bien desservies que d’autres, comptent moins de 2 % de professionnels certifiés ! C’est notamment le cas de l’Ile-de-France (1,77 %).
Nous l’aurons compris : la réhabilitation énergétique du secteur résidentiel a beau être bien entamée, elle n’en garde pas moins quelques lacunes majeures, qu’il n’est pas si facile de combler. Meilleure accessibilité au label RGE, augmentation des primes ou encore sensibilisation des populations, des actions gouvernementales sont sans cesse menées pour faire pencher la balance du bon côté. L’avenir nous dira dans quelle mesure celles-ci porteront ou non leurs fruits.
Rappelons qu’à titre de propriétaire en France, chacun peut s’approprier la rénovation de son logement. Loin d’être anodine, une réfection globale est l’une des actions les plus efficaces pour gagner en pouvoir d’achat sur le long terme. Réduire son usage énergétique est un enjeu d’autant plus important que les prix de l’énergie ne cessent d’augmenter ! Quelle que soit votre catégorie de revenus, pourquoi ne pas enclencher de premières démarches pour simuler les travaux à réaliser ?