captage stockage de CO2 une solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre

Industrie : le captage-stockage (CCS) est-il une méthode viable pour réduire les émissions de CO2 ?

Helene

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Agir sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique est plus que jamais essentiel, dans tous les secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre. C’est le cas de l’industrie. Si la transition énergétique est bel et bien en route et a permis de réduire les émissions de près de 48 % depuis 1990 en France, l’impact de ce secteur est toujours trop important pour répondre aux objectifs climatiques nationaux. Comment réduire davantage et surtout plus rapidement les émissions générées ? La méthode du Captage et Stockage géologique de CO2 (CSC) est depuis quelques années expérimentée à travers le globe. Comment définir ce procédé et quels résultats peut-on en attendre ? Vue d’ensemble.

Le captage-stockage de CO2 en milieu industriel, qu’est-ce que c’est ?

Sur Terre et de façon naturelle, le CO2 en excès est d’ores et déjà stocké dans le sol, lequel contiendrait déjà près de trois fois plus de carbone que le taux présent dans l’atmosphère. Malheureusement, la fonction naturelle d’absorption du sol diminue d’année en année du fait d’une artificialisation massive, de la déforestation et bien sûr, de la pollution. La méthode du captage-stockage consiste en fait à intensifier et artificialiser le processus de captation naturel de CO2 dans le sol.

La méthode déjà éprouvée consiste à récupérer le CO2 des fumées de combustion (où il est présent à environ 30 %) puis à le transporter et à le stocker en profondeur dans le sol (ou offshore), une solution en apparence plébiscitée puisqu’elle n’implique pas de changer les modes de production et peut potentiellement être mise en place sur des infrastructures existantes. La pratique nécessite toutefois la mise en place d’un réseau de canalisations et le respect de contraintes économiques et bien sûr, géologiques. A titre d’exemple, il s’agit de pouvoir accéder à des formations géologiques en profondeur proposant de fortes garanties de confinement. Pas forcément évident.

Captage-stockage de CO2 en post-combustion, comment ça marche ?

Il existe plusieurs technologies de captage-stockage du CO2 à l’échelle industrielle, ce pourquoi on ne parle généralement pas d’une, mais bien de plusieurs technologies de captage-stockage géologique. La plus rentable et sujette à expérimentation, c’est le CSC post-combustion. En voici les principales étapes :

  • Une solution aqueuse d’amine est injectée directement dans les fumées de combustion,
  • Les fumées sont refroidies autour de 45°C,
  • On procède à l’injection de la fumée dans une colonne d’absorption facilitant le transfert du CO2 vers le solvant en bas de colonne,
  • Le solvant chargé est pompé puis déchargé de CO2. Ce dernier sera ensuite déshydraté et comprimé. Le solvant quant à lui est recyclé puis renvoyé vers une autre colonne.
  • Le CO2 est ensuite transporté par gazoduc, train, bateau ou encore camion jusqu’à son lieu de stockage, rarement proche du site d’extraction. On peut également à ce stade valoriser le CO2 extrait en le revendant en vue d’une injection dans la production d’hydrocarbures par exemple, bien que cette option soit peu fréquemment sélectionnée.

Les autres technologies de captage stockage sont un peu plus onéreuses mais peuvent constituer des alternatives intéressantes :

  • L’oxy-combustion : on place le charbon en présence d’oxygène pur à environ 95 % et non pas d’air, pour que le CO2 et l’eau générés soient plus facilement séparables, par simple condensation. Ici, l’étape la plus coûteuse est celle de la production d’O2, en amont de l’extraction.
  • La précombustion. La première étape est la gazéification du charbon (via une centrale IGCC) dans le but de produire du CO et de l’hydrogène. En relation avec de la vapeur d’eau, le CO2 est généré, puis est ensuite séparé de l’hydrogène sous pression, avant d’être là aussi déshydraté et comprimé en vue de son transport.

Une méthode implémentable mais des résultats en demi-teinte

En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone SNBC prévoit d’intégrer le CSC à hauteur de 15 MtCO2/an d’ici 2050. Si cette méthode fait partie de la stratégie nationale, c’est qu’elle a d’ores et déjà été éprouvée, depuis les années 1990 et ce un peu partout dans le monde. Quelques projets à succès tels que Boundary Dam au Canada (2014) ont démontré qu’il était effectivement possible d’absorber jusqu’à 50 000 tonnes de CO2 par mois (et 90 % du CO2 des fumées de combustion) ! D’autres projets très innovants tels que Petra Nova au Texas sont désormais fermés, mais tous ont permis de faire avancer la technologie en la matière. Malheureusement, il y a un mais.

Le CSC, une solution qui peine à se concrétiser

La méthode du captage-stockage fait débat, tant du fait de ses conséquences environnementales que sociétales ou encore économiques (le prix). Ainsi, si la faisabilité technologique de la méthode de captage-stockage de CO2 est prouvée, sa mise en œuvre à l’échelle reste très difficile. Les principaux obstacles au déploiement de ces technologies sont les suivants :

  • Elle ne permet pas de décarboner l’ensemble des activités industrielles. Le fonctionnement de cette méthode dépend de la nature du site mais également de conditions géologiques, économiques… Les sites concernés doivent émettre un large volume de CO2 et être concentrés sur un même territoire pour permettre de mutualiser les coûts et d’améliorer la rentabilité du projet, l’un des principaux freins au déploiement du CSC. En France, seulement trois territoires industriels seraient concernés, selon le rapport de l’ADEME datant de 2020. Il s’agit de Dunkerke, du Havre et de Lacq.
  • La technologie reste très coûteuse et non compétitive. Selon l’ADEME, on compte entre 100 et 150 € par tonne de CO2 stocké, soit un montant 5 à 6 fois plus élevé que pour les autres stratégies de captage. Aussi, la méthode du CSC implique généralement une diminution du rendement des centrales estimé entre 15 et 25 % et donc un prix plus élevé du kWh. Ce risque financier implique notamment que les projets menés soient peu nombreux. Les résultats du projet Boundary Dam évoqué plus haut démontraient justement une surconsommation énergétique de l’ordre de 25 %…
  • Le temps nous manque pour implémenter cette technologie ! Une vingtaine de projets seulement sont effectifs ou en cours de déploiement dans le monde. Or il s’agit d’abord de passer par une étape de démonstration industrielle pour que ce procédé soit implémenté à plus large échelle, étape qui prend généralement une décennie.
  • Les résultats nous manquent également. La plupart des expérimentations déjà menées en France révèlent des résultats en demi-teinte : 23 millions de tonnes de CO2 stockés par an, en moyenne. Dérisoire, lorsque l’on sait que la France émet 441 MtCO2équivalent/an et qu’une centrale à charbon d’une puissance de 800 à 1 000 MWE émet environ 550 tonnes de CO2/heure…
  • Aussi, les risques sanitaires et environnementaux ne sont pas à exclure ! Certains opposants pointent du doigt le risque de fuites en cas d’évènement naturel tel qu’un séisme. D’autres voient en cette méthode un obstacle au développement de stratégies bas-carbone basées sur le renouvelable voire même une incitation à la consolidation de chaînes de valeur émettrices de gaz à effet de serre (surconsommation de ressources pour l’extraction, transport lui-même émetteur de CO2…).

Ainsi le CSC reste à l’heure actuelle une méthode jugée temporaire, destinée à réduire les émissions du secteur dans l’attente d’une transition énergétique plus profonde, basée sur le renouvelable et une meilleure maîtrise des ressources. C’est du moins ce qu’avance l’ADEME, l’Agence de la Transition Ecologique en France.

Quelques espoirs pour une réduction significative des GES dans l’industrie ?

Les états les plus pollueurs tels que les Etats-Unis prennent depuis quelques années des mesures pour favoriser le captage-stockage du CO2 issu du milieu industriel. Créé en 2018, le crédit américain sur la capture du carbone prévoit par exemple un montant de 50 $ par tonne de CO2 stocké géologiquement. Un dispositif qui permet d’équilibrer les coûts du CSC et d’inciter de ce fait les industriels et les entreprises à aller plus loin que le simple stade d’expérimentation.

D’autres méthodes sont à ce jour plébiscitées pour réduire les émissions du secteur de l’industrie. Parmi ces dernières, la récupération de chaleur fatale, une solution qui permettrait à la fois de réduire le bilan carbone des industriels en limitant leur facture énergétique. Cette solution est d’ailleurs mise en avant par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie de décarbonation de l’industrie et de son plan de relance d’1,2 Mds € sur 3 ans.

Bien entendu, le CSC n’est qu’une solution parmi tant d’autres et est loin de pouvoir représenter le salut du secteur. Alors le second espoir, c’est tout simplement celui d’une migration plus rapide et plus concrète vers les énergies renouvelables et la fermeture des centrales à charbon, extrêmement polluantes. En France, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) se fixe d’ailleurs des objectifs ambitieux en la matière, en vue d’une neutralité carbone en 2050. Qui vivra verra.